Mme Fortin et son mari sont venus me trouver pour une maternelle en mars de l’année dernière. Ils n’avaient pas encore été cherché leur chien. Ils travaillent et vivent tous les deux à Puvirnituq, dans le Grand Nord. Ils redescendent au sud à tous les trois mois, ils en profitent alors pour régler les choses qui ne peuvent se faire à distance.
La vie est très rude là-bas, la température baisse jusqu’à -50 degrés celcius. Les Innus ont des chiens à moitié sauvages, ils ne nourrissent que ceux qui travaillent. Les autres sont laissés à eux-mêmes, la plupart étant directement croisés avec des loups, je vous laisse imaginer la facilité qu’ils ont à se débrouiller seuls! Seul les blancs ont des chiens de race et leur donnent de l’affection. Pour les Innus, un chien est un outils de travail, au même titre qu’une pelle ou un marteau.
Quelle race croyez-vous que Mme Fortin et son conjoint on choisi? Un Husky, un Malamute, un Samoyède? Non, un Yorkshire! Moi-même, je n’en revenais pas! Imaginez la réaction des Innus, pour eux, c’est comme avoir un bibelot, c’est totalement inutile! Si vous imaginez un Yorkshire dans le Grand Nord, vous l’imaginez sûrement avec un parka sur le dos! Hé bien pas du tout! Chopin porte des bottines pour éviter les engelures à ses coussins, mais autrement, il marche dans la neige jusqu’à -35 degrés celcius! À partir de cette température, très fréquente en hiver, il est porté dans un sac. Un vrai chien du Nord!
Les chiens que le Innus « laissent partir » retournent à l’état semi-sauvage, ils restent autour du village mais ne sont plus nourris par leur propriétaire.
Ils se nourrissent de déchets, d’animaux sauvages et même des cadavres des plus faibles qui ne survivent pas à l’hiver. Pendant les cours théoriques, je cite souvent des gestuelles et des postures typiques des loups. Madame Fortin me disait qu’elle voyait ces comportements régulièrement avec ces chiens à demi sauvages. Donc, retourné à l’état sauvage, le chien retrouve les comportements de son plus proche parent, le loup. Il y a d’ailleurs un livre merveilleux sur le sujet : Le chien, un loup civilisé, de Jennifer Cattet et Evelyne Teroni.
Pour en revenir à mon jeune ami Chopin, il s’en sort très bien dans cet environnement de « durs à cuir »! Tous les trois mois, madame Fortin prend son rendez-vous pour le toilettage de Chopin et ses leçons d’éducation. Ne vous fiez pas à la taille, Chopin, c’est un dur!